Vous excuserez l’usage intempestif de l’anglais dans le titre de cet article, mais il s’agit d’une histoire qui s’est passée en France. Et puis, avouons-le, on n’a pas encore trouvé mieux que « storytelling » pour englober le concept de l’art de raconter des histoires pour une marque et que « fake news » pour cette tendance pathétique mais hyper actuelle de mentir pour faire parler de soi.
Le storytelling a encore de belles années devant lui. Les gens sont friands d’histoires passionnantes. Et les marques en profitent pour en raconter des bonnes. Quelle que soit la plateforme, quelque chose d’intéressant et de bien raconté suscite toujours l’intérêt, captive l’auditoire et, dans le meilleur des cas, incite au partage.
C’est sans doute ce qu’a pensé la maison d’édition des Saints Pères lorsqu’est venu le moment de lancer la publication du manuscrit original du Tour du monde en 80 jours.
Pour agrémenter le lancement de cette sortie, la maison d’édition spécialisée dans les fac-similés de manuscrits, numérotés et tirés en édition limitée a misé sur l’incroyable histoire rocambolesque de la découverte inattendue du fameux document. Selon l’éditrice, le manuscrit du plus célèbre livre de Jules Verne écrit en 1872 avait disparu de la circulation. Il était perdu depuis longtemps et personne ne savait où il se cachait.
C’est là que le storytelling devient intéressant. La maison d’édition affirmait avoir envoyé ses plus fins limiers afin de retrouver les précieuses notes du prolifique auteur de 20 000 lieues sous les mers et de Michel Strogoff. Après bien des péripéties relatées ici, la maison d’édition a enfin mis la main sur le manuscrit. Elle raconte d’ailleurs avec moult détails l’épique chasse au manuscrit. Sauf que…
Sauf que cette histoire est complètement fausse.
Le manuscrit est clairement répertorié à la Bibliothèque nationale de France. Il est numérisé depuis 2012 par la bibliothèque numérique de la BNF et on peut le consulter ici.
L’histoire était fausse. Les médias comme Le Figaro se sont pourtant précipités dessus pour la raconter. Bien sûr, ils ont publié un erratum dès qu’ils ont eu vent de la supercherie. Les médias sociaux se sont emparés de l’affaire après que la BNF se soit étonnée sur Twitter de la disparition d’un manuscrit disponible depuis 2012.
Et jamais on n’aura entendu autant parler de la publication d’un manuscrit.
Morale de cette histoire, parlez-en en bien, parlez-en en mal… vous connaissez le dicton.
Photo: © Éditions des Saints Pères