
Cette question devrait être en tête des requêtes Google quand on est à la recherche d’un professionnel, quelle que soit sa discipline. Pourtant, la plupart du temps, ce que les gens cherchent, ce serait plutôt : «Quel est le moins cher ?»
Le tarif d’une personne d’expérience est plus élevé. C’est normal, le service est plus rapide, mieux fait, plus fiable, la plume est plus juste, les textes sont plus percutants, la pertinence est au rendez-vous, la compréhension des mandats est plus profonde, la réflexion stratégique prend plus de recul…
En termes comptables, l’expérience coûte donc peut-être deux fois plus cher, mais elle est au bout du compte trois fois plus rapide et efficace.
Pour faire ça simple, imaginons quelqu’un à 50 $/heure et quelqu’un à 100 $/heure*. Le sénior mettra 1 heure à écrire ce que le junior ferait en 3 heures.
1 X 100 $ = 100 $. 3 X 50 $ = 150 $.
Quand il reçoit la facture finale, il est rare que le client trouve que ça ne vaut pas le coût d’avoir été servi par quelqu’un d’expérience qui coûte deux fois plus cher, mais qui est trois fois plus rapide.
Depuis quelque temps, on remarque par ailleurs de plus en plus de clients qui exigent que leurs fournisseurs baissent leurs prix. Les budgets fondent comme la calotte polaire dans un communiqué de Greenpeace. Les taux horaires sont négociés au rabais. Et si on vous donne un contrat, on vous demandera en plus de faire des tas d’autres tâches connexes sans le moindre supplément annexe.
D’où vient cette tendance lourde à la dépréciation du travail des gens de talent et d’expérience? Le génie du savoir, la richesse des compétences, la profondeur de l’acquis n’auraient plus de valeur?
Doit-on blâmer les machines, les robots, les Chinois, les ordinateurs, l’intelligence artificielle, l’arrivée sur le marché de bataillons de juniors, la lassitude des séniors? L’avarice des actionnaires?
On voit régulièrement ressortir dans les médias sociaux cette phrase «Si vous trouvez que ça coûte cher d’embaucher un professionnel, attendez de voir ce que ça vous coûtera d’engager un amateur.»
Qu’est-ce que ça coûte d’engager quelqu’un de moins cher?
On dirait que ça ne dérange plus personne de faire travailler des incompétents sous-payés. Combien d’erreurs professionnelles voit-on fleurir ces dernières années? OK, une faute d’orthographe sur une affiche n’a jamais tué personne. Un logo laid n’empêche pas la planète de (mal) tourner. Une erreur dans un bandeau télé ne gâche pas la soirée du téléspectateur. Et un burger mal emballé n’entrave pas l’appétit de son consommateur. Mais un pont mal construit, un avion mal assemblé, un patient mal informé…
En payant moins, les clients ont-ils conscience qu’ils en auront moins? Moins bien, moins juste, moins brillant, moins efficace, moins beau… trop tard. Ce qu’on économise ici se répercute toujours quelque part.
Pourtant, la spirale dans laquelle les gens d’expérience et de talent sont aspirés semble ne pas avoir de fond. Il y a de plus en plus de pitch, plus de recherches du plus bas soumissionnaire, plus de négociations à la baisse, plus de chèques en retard…
La vie ne coûte pas moins cher. Les taxes municipales ne sont pas négociables. Le chauffage n’est pas payable dans les 90 jours. Et si le prix des fraises en hiver est si bas, c’est que des gens ont été sous-payés pour les cueillir et les amener jusqu’à nous.
Dans un monde où le prix le plus bas fait loi, il ne faut pas s’étonner que la qualité soit malmenée.