La carillonneuse de glaçons

Je marchais sous la pluie. Grise, coupante, froide, fade et fatigante. Les autos sur St-Denis filaient à vive allure en fendant des mares de slotche brune. Les bruits stridents d’un hiver qui oscille entre sibérien et parisien s’infiltraient à travers le capuchon, sous le foulard, dans la tuque. À chaque pas périlleux, il fallait faire attention de ne pas glisser.

Au milieu du trottoir, dans un long manteau noir, une maman immobile attendait que sa fille ait fini de sauter sur des grandes plaques de verglas qui se brisaient comme des miroirs.
La petite y mettait du cœur pour faire exploser des pans de glace en mille éclats de blanc.
Je me suis arrêté un seconde avant de filer pour un autre rendez-vous. J’ai regardé la fillette crever une dernière plaque de neige durcie. En passant à côté d’un buisson pour aller rejoindre sa maman, la petite fille a secoué les branches couvertes de glaçons. Elle savait que les branches allaient chanter.
Et c’était comme un lointain carillon qui dansait dans mes oreilles.
Quand a-t-on perdu cette insouciance de faire des choses juste pour le plaisir de les faire?