Arcade Fire a entamé avant même que la neige n’ait fondu une tournée mondiale qui les emmènera aux États-Unis, au Mexique, au Chili, en Argentine, au Brésil, en Allemagne, en Espagne, en France, en Norvège, en Italie,…. et enfin à Montréal le 30 août.
Le groupe qui a vu le jour dans le Mile End termine son grand voyage à Montréal à la fin de l’été. Nous n’allions pas attendre si longtemps pour découvrir comment Win, Régine et leurs amis ont mis Reflektor en lumière…
Pour aller voir Arcade Fire à Bridgeport (Connecticut) il faut se lever tôt. Bien avant le soleil.
À 6 h 30, le café Olimpico est déjà ouvert. Il fut un temps où l’on y croisait Win Butler qui sirotait son latté avec des amis. J’ai pris mon allongé en vitesse au comptoir avant d’enfiler les kilomètres vers la mer. Dans l’auto, ma fille qui ne s’était pas levée si tôt depuis longtemps, s’étirait en même temps que les premiers rayons du soleil.
Sortir de la ville le matin, c’est comme nager à contre courant. Passer un pont vide alors que de l’autre côté, la banlieue s’engouffre vers la cité. Arriver au poste de douane de Lacolle sans personne. Traverser les Adirondacks enneigés. Voir au loin, de l’autre côté du lac Champlain, les montagnes du Vermont couvertes de neige et baignées de soleil.
On déjeune à Peru (NY), deux œufs jambon. Un café sans goût.
L’Interstate 87 descend plein Sud en grimpant dans les montages. On ne se lasse pas du paysage grandiose. Près de 150 kilomètres de vie sauvage. Dans les haut-parleurs, Reflektor à fond.
Après Lake George, la neige commence à se raréfier. À Albany, il n’y en a presque plus. On prend ensuite la 90 vers le Massachusetts. Puis la petite route 8 qui serpente dans les forêts du Connecticut jusqu’à la mer.
On traverse des petits villages de bûcherons, d’anciennes villes industrielles défigurées par la crise. On croise des antiquaires, des McDo, des bureaux de poste, des maisons abandonnées,…
Bridgeport. Une ville américaine avec un centre ville de parkings et de béton. La Main Street est à l’abandon. Quelques vitrines sales. D’autres placardées. La ville ne regarde pas la mer. Elle est traversée par des autoroutes et des échangeurs. Elle est bordée d’usines, d’immenses réservoirs de pétrole, de cheminées fumantes. L’Arena Webster Bank se trouve là, près de la zone industrielle, au bord de l’Highway 95 qui s’en va vers New York.
J’ai déniché un petit hôtel au bord de la plage à 12 kilomètres. Un autre monde. Un air de printemps. Un vent salé de vacances.
Nous sommes arrivés tôt à l’Aréna. Nous ne voulions rien manquer. Des tas de gens avaient suivi les consignes et s’étaient déguisés pour le spectacle. Des couples avec des masques de carnaval, des princesses, des filles en paillettes, des gars en veston cravate, des chapeaux extravagants, des hipsters à grosses lunettes, des nerds avec des plumes,…
Dans la salle qui se remplissait au compte goutte, nous avons croisé Régine, Win, Will,… Ils se baladaient au milieu du public clairsemé cachés sous les immenses masques de carnaval qui les personnifient. Mais étaient-ce vraiment eux?
Et puis le show a commencé. Kid Koala a essayé de faire lever le party. Ça a amusé les gens et dérouillé les jambes. Il était suivi de Dan Deacon qui a parti le bal de plus belle. Il a demandé à la foule obéissante de faire quelques chorégraphies. Il a invité les gens déguisés à se lancer sur le plancher de danse… Ce que certains, et non des moindres, ont fait avec plaisir.
Mais nous n’étions pas là pour des DJ, aussi bons soient-ils. L’Aréna était désormais plein à craquer. Les fidèles prêts à communier.
Quand le rideau est tombé (de nos jours, le rideau tombe pour s’ouvrir…) et que les premières notes de Reflektor ont résonné, la foule a commencé à se défouler. La lumière venait de partout. La musique nous a tous emportés dans un vaste mouvement lancinant et rythmé.
J’ai oublié les jambes ankylosées, l’attente avant le début du spectacle, les gens qui se bousculent pour être plus près encore. Nous étions au cœur de l’action. Nous étions le cœur de l’action.
Ophélie n’en manquait pas une. Elle avait dans les yeux des miroirs qui reflétaient son bonheur d’être là. Ça valait 626 kilomètres.
On trouve un peu partout sur Internet des extraits et des photos du spectacle. Ophélie et moi, on a mis aussi les nôtres, pour participer à ce vaste mouvement collectif de partage de nos expériences. Mais rien ne vaut la réalité de se retrouver au pied du stage et de voir le sourire évident des membres d’Arcade Fire qui s’amusent sur scène autant que nous dans la salle.
De retour à l’hôtel, la lune se reflétait sur la mer. Reflektor encore. Et dans la tête et dans les yeux.
Quand nous avons passé la frontière pour rentrer le lendemain, le douanier nous a appris que l’autobus avec Arcade Fire venait de nous précéder. Ma fille et moi, nous avions fait le même road trip…